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Mendicité : Signe de régression sociale ou segment caché de l’emploi informel ?


Hicham

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La mendicité, signe de régression sociale ou segment caché de l’emploi informel ?

 

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La mendicité en Algérie prend des proportions phénoménales, à telle enseigne, qu’il est difficile de distinguer le mendiant «honnête» du mendiant «professionnel». Nous allons tout de même essayer, à travers cette modeste contribution, d’en démêler l’écheveau.

 

Qu’est-ce que la mendicité ?

 

La mendicité est le fait de mendier, c’est-à-dire de demander l’aumône qui, elle-même, constitue un don charitable fait, en règle générale, à un misérable ou à un indigent. Le terme aumône décrit ici soit l’action, soit la condition de celui qui y fait appel. La mendicité est la forme la plus sensible et la plus grossière de l’indigence solliciteuse. Elle s’adresse indifféremment à tous et à chacun, elle s’établit sur la voie publique, sur le seuil des mosquées, des marchés hebdomadaires et en tous lieux où se pratiquent des flux humains ; elle cherche les endroits les plus fréquentés, elle ne se borne pas à exprimer ses besoins, elle en étale les tristes symptômes, elle cherche à émouvoir par ses dehors autant que par son langage, elle se rend hideuse pour devenir éloquente, elle se dégrade pour arriver à ses fins.

 

Comment est-elle perçue en Islam ?

La mendicité en Islam est une pratique reprouvée, puisqu’elle est considérée comme une mauvaise conduite qui risque de mener son auteur à l’irréparable. Il y a des hadiths qui prescrivent la mendicité, mais aussi d’innombrables versets du Coran qui exhortent le croyant à être généreux avec son prochain, à ne pas être avare, à dépenser sans compter dans la voie de Dieu. Ainsi, l’Islam adopte, somme toute, une position équilibrée.

Il fait l’éloge du pauvre qui s’abstient de mendier et encourage le nanti à pratiquer la charité et à dépenser dans le bien. Ceci est d’ailleurs parfaitement étayé par un hadith du Prophète (QSSSL) rapporté par Abou Hourayra : «Quand l’un de vous rapporte sur son dos un fagot de bois, cela lui est bien préférable que de tendre la main aux gens dont certains lui donnent quelque aumône et d’autres ne lui donnent rien » (Al Boukhari-Mouslim). Ou encore cet autre hadith : «Celui qui mendie pour accroître ses biens, ne mendie en réalité que des braises (d’enfer), soit qu’il demande peu, soit qu’il demande beaucoup.» En définitive, l’Islam et son Prophète (QSSSL ) privilégient la main supérieure (celle qui donne) à la main inférieure (celle qui demande).

 

Les mendiants, qui sont-ils ?

Un mendiant est une personne qui vit matériellement d’aumônes, d’argent ou de nourriture donnés par charité. Le mendiant est habituellement sans domicile fixe et se déplace dans un espace public devenu par «la force des choses» son territoire. Son activité était par le passé, paradoxalement, reconnue, honorée et respectée.

Le mendiant recevait nourriture et hospitalité, selon une coutume et des principes ancrés dans la mémoire populaire. Il faut préciser à ce propos, que la charité n’était octroyée qu’aux mendiants originaires du lieu, dont le statut d’indigent et de miséreux était avéré, les autres mendiants usurpateurs n’avaient pas droit à l’aumône et ils étaient chassés hors des limites des lieux.

Par le passé, on distinguait «le vrai mendiant» qui, faute de capacité d’emploi, de handicap prononcé, d’inexistence de revenus, d’absence de solidarité familiale ou autre, ne pouvait compter que sur les dons pour subsister.

Sa déchéance, parfois provisoire, était souvent due à une pénurie d’emploi ou chômage, à un éclatement de la cellule familiale, à un divorce, ou à la perte du logement. Elle durait cependant dans le temps quand ce mendiant devait son état à l’alcoolisme et à la toxicomanie. Réduit ainsi en loque humaine, ce type de mendiant, véritable déchet, s’abreuve d’humiliations comme à plaisir.

L’indigence alors ne reçoit plus de bienfaits, elle perçoit des tributs, elle ne doit rien à la charité, elle doit tout à la fatigue ou à la crainte émanant de ce type de personnage, qui récolte ainsi quelques pièces, qu’il doit néanmoins ramasser. Et le ressenti par rapport à ce type de mendiant, parfois agressif, n’est que honte, empathie, dégoût, tristesse, indifférence, pitié, voire désespoir quant à la race humaine.

Il est évident et on ne peut l’ignorer, que la fermeture d’entreprises, conjuguée au désastre occasionné par la décennie noire avec son lot de déracinés, de handicapés, d’orphelins et de veuves, ont contribué à gonfler le rang des mendiants.

L’Etat ayant bien entendu déroulé tous les dispositifs possibles pour les prendre en charge (couffin alimentaire, carte de soins gratuite, filet social, prise en charge des personnes âgées, des handicapés, etc.). Ces efforts importants certes doivent être poursuivis concernant ce segment de démunis, car c’est le rôle de l’Etat qui doit veiller à redistribuer les richesses nationales de manière la plus équilibrée possible. Mais les mendiants qui suscitent des interrogations sont, sans nul doute, ceux-là mêmes qui ont l’air d’être en bonne santé et correctement vêtus.

 

Les «faux mendiants»

Ils sont organisés en bande, transportés et ventilés par des réseaux maffieux, et agissent comme des employés modèles, structurés et soumis à des obligations «professionnelles» et même à une obligation de résultat ou de quota à atteindre. Dans ce ramassis, on ne peut ne pas remarquer la présence de jeunes femmes avec des nourrissons marmonnant quelques litanies pour faire pitié. Cet étrange attelage «mère/bébé», à croire qu’il a été cloné pour la circonstance, s’essaime sur les voies de circulation à la manière d’un jalonnement de policiers précédant la venue d’un président étranger.

En fait, il n’est pas difficile d’observer que l’enfant porté n’est pas celui de la mendiante, dès lors qu’elle ne manifeste aucune affection particulière à son égard. D’ailleurs selon la Fondation de la promotion de la santé et de la recherche (Forem), il y aurait tout un réseau derrière la location et l’emploi des bébés et enfants en bas âge. Le président de la Forem, Mustapha Khiati, aurait déclaré que ces enfants mineurs constituent le segment le plus important des mendiants et subissent souvent des viols et des châtiments de la part des chefs de réseaux en cas de désobéissance (sources El Watan-Fatima Arab). D’autres techniques sont utilisées par ces faux-mendiants qui :

-déploient une stratégie de marketing émotionnelle faite de supplications et de pleurs.

-sont vêtus d’habits sales et déchirés, pieds nus, main tordue, mais néanmoins bien tendue.

-portent des lunettes et cannes de (faux) non-voyants.

-se font passer pour des estropiés, et autres culs- de-jatte.

-se présentent en faux malades plaçant devant eux une ordonnance médicale, froissée, jaunie qui a subi tous les outrages, mais qui reste absolument rentable.

Cette panoplie n’est pas exhaustive bien sûr, tant les faux mendiants redoublent d’ingéniosité dans «leur art». Et comment ne pas signaler cette information notée dans l’Actu-Est d’El Watan, du 15 août 2012, relative aux centaines de personnes originaires de wilayas lointaines, débarquant à Souk Ahras la veille du Ramadhan, pour repartir après l’Aïd, après avoir ratissé de fond en comble la ville, vidé les poches de ses habitants et raflé «la fitra d’El Aïd». Et ce qui est ahurissant, concernant ces personnes vivant pour la plupart dans les bidonvilles, (voir ma précédente contribution intitulée: «Faut-il raser les bidonvilles et éradiquer le secteur informel ?», c’est leur capacité à louer des maisons à la périphérie de la ville ciblée, voire même, à prendre des chambres d’hôtel in situ, pour s’adonner plus facilement et dès l’aube à leur «métier».

Cette organisation de la (fausse) mendicité, outre ses moyens matériels, obéit, comme il a été affirmé supra, à une structuration rodée et hiérarchisée avec des leaders, des kapos et des besogneux avec, à la clef, des recettes à faire pâlir les capitaines d’industrie les plus entreprenants. Le phénomène de la mendicité, au-delà des chiffres de ceux qui s’y adonnent qui gagneraient à être connus, a dépassé tout entendement et ses ramifications semblent sans limites.

Car c’est bien d’une profession ignoble dont il s’agit, même si bien sûr il ne faut pas oublier qu’il y a encore des nécessiteux, qui s’abstiennent souvent de tendre la main et, s’ils s’y résignent, c’est en désespoir de cause et pour le moins provisoirement pour la plupart, comme je l’ai mentionné en début de cette contribution. Maintenant, si la mendicité est révélatrice d’un malaise admis comme une forme de régression sociale, le fait d’en parler peut être considéré, bien sûr, comme de la commisération, voire même de l’électoralisme, particulièrement en période du calendrier politique de notre pays.

Mais continuer cependant à donner l’aumône, au feeling, selon sa conscience, ou essayer de contribuer à faire cesser cette dérive en s’abstenant de répondre aux sollicitations, ne constitue pas, a contrario, la solution à même d’éradiquer ce fléau. En fait, chacun fait ce qu’il pense être le mieux, si l’on considère que la mendicité est un phénomène universel, qui doit tout de même être pris en charge par l’Etat, d’autant plus que toutes les sociétés ont leurs couches de pauvres et de SDF, et celles-ci trouvent, en fin de compte, des réponses à leur détresse auprès des structures étatiques et des associations caritatives œuvrant dans le domaine.

Mais si l’on estime que la mendicité est non seulement un fléau social à combattre mais aussi un segment de l’emploi informel à éradiquer tout comme le commerce informel, il faut, et c’est le rôle des institutions de l’Etat, intervenir, pour y mettre un terme. Et si l’on ne met pas le curseur sur la mendicité, notamment celle prise comme métier, avec ses racketteurs et ses besogneux, pourra-t-on parler décemment de politique nouvelle de la ville, d’investissement touristique ou globalement de développement ou d’amélioration du cadre de vie en Algérie ? Voilà donc un chantier à ouvrir absolument, d’autant plus que l’ordonnance nº 69-51 du 17 juin 1969 portant l’interdiction de la mendicité et du vagabondage stipule dans son article 1er «la mendicité et le vagabondage sont interdits sous quelque forme que ce soit, sur toute l’étendue du territoire», et dans son article 2, que «toute infraction est passible d’emprisonnement de 2 mois à 2 ans, et en cas de récidive, la peine pourra être portée à 5 ans».

De plus, même si la loi algérienne criminalise la mendicité, le législateur ne doit pas être en reste concernant l’ampleur du phénomène et doit, à mon sens, plancher rapidement sur «l’exploitation de la mendicité et son organisation en réseaux» et combler ainsi le vide juridique en la matière.

Concernant enfin la mendicité des mineurs ou l’exploitation d’enfants et même si on est loin, très loin même du Maroc où la mendicité infantile, qui bien que coutume ancestrale, est extrêmement gênante, notamment pour le touriste qui se voit sollicité à chaque pas, il y a urgence absolue à intervenir devant ce péril auquel il faut opposer une tolérance zéro, pour sauvegarder ces enfants qui sont déjà stigmatisés par une image de déchéance, la leur et celle de leur exploiteur, avant d’avoir un peu de prise sur leur propre vie .


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