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Le Ramadhan Des sans-papiers algériens à Londres


Invité salimdz

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Le Ramadhan Des sans-papiers algériens à Londres

 

Virée dans les quartiers de Black Stock Road

 

lundi 22 septembre 2008.

Le mois de Ramadhan exalte la nostalgie des sans-papiers algériens et exacerbe leur solitude. Au nord de Londres, Black Stock Road est un peu leur rue de La Lyre. Ils s’y rendent tous les jours, l’esprit tourmenté en veille et les sens en alerte, à l’affût des parfums du bled.

 

Les courses de Redouane baignent dans un large sachet bleu où transparaît une bouteille de Selecto. “Il me faut ma dose quotidienne. Sans cela, le Ramadhan n’a pas de saveur”, observe-t-il, en salivant sur l’exquis breuvage pour un premier Ramadhan à Londres. Il y a un an à Alger, Redouane consumait les longues journées de jeûne comme un captif, quêtant sa délivrance. Derrière son étal de fruits et légumes à Diar El-Mahçoul, il échafaudait son plan d’évasion. La frénésie des chalands affamés exacerbait son impatience. “Chez nous, les gens ne pensent qu’à manger. Il n’y a pas autre chose à faire”, lâche-t-il dans un commentaire acide, suivi d’un autre plus malheureux. “Si j’étais resté là-bas, j’aurais fini dans un hôpital psychiatrique.” Ironie du sort, c’est dans la cuisine d’une gargote que Redouane a atterri depuis qu’il est dans la capitale britannique. Il passe une partie de ses journées à récurer les assiettes des clients. Le reste du temps, il se rend dans le quartier de Finsbury Park, au nord de Londres, où il est sûr de croiser un compatriote, histoire de changer d’air et de rompre sa solitude. À Black Stock Road où sont nichés tous les commerces des nationaux, les sans-papiers arpentent les trottoirs comme des ombres. Les sacs bleus de victuailles sont leur estampille. “Ici, nous sommes sûrs de trouver tout ce qu’il nous faut”, note Salim. Redouane et lui sont des amis d’enfance. Leur parcours ressemble à un casier judiciaire déshonorant. L’échec scolaire et l’exclusion professionnelle faisaient obstacle à leur insertion. Ils hypothéquaient leur part de bonheur. “C’est pour ça que j’ai décidé de partir. Je me suis improvisé marchand de fruits et légumes, uniquement pour ramasser assez d’argent et payer la traversée”, confie Redouane. Comme Salim il y a quatre ans, il a acheté sa place dans un container embarqué sur un navire cargo en partance pour la péninsule Ibérique. Quelques jours plus tard, Redouane posait son baluchon à Barcelone. D’Espagne, il est allé en France, à Calais, où il prit le bateau clandestinement jusqu’à Douvres, au sud de l’Angleterre. “Je suis arrivé dans ce pays de nuit. En me réveillant le matin, j’ai remarqué que le ciel était gris et que les immeubles vieux et noirs”, relate-t-il en laissant poindre sa désillusion. Mais en dépit du climat revêche, des bâtiments tristes et du quotidien incertain, Redouane comme Salim se défendent d’avoir le moindre regret. “Ça va !” insiste Salim en marquant son propos par un “normal” très vague. Il y a quelque temps, il avait été interpellé par la police pour présence irrégulière sur le sol britannique. Très au fait des astuces employées par ses compatriotes pour empêcher leur refoulement, Salim introduit aussitôt une demande d’asile qui lui permet de retrouver sa liberté, en attendant que la justice se prononce sur son cas. “Même si je suis expulsé, je reviendrai. Et si je ne reviens pas, tant pis. L’Algérie reste mon pays et personne ne pourra m’en déloger”, envisage-t-il, ambivalent. Ce soir, les deux compères de Diar El-Mahçoul vont rompre le jeûne chez un groupe d’amis habitant à Holloway, une autre enclave déshéritée du nord de Londres où est concentrée une forte communauté émigrée. “Chacun de nous prépare un truc, de la chorba, du bourek, de l’hem lehlou… Nous nous débrouillons”, confient les novices des fourneaux.

 

À Black Stock Road, une quinzaine de commerces algériens y est installée Dans les drugstores de Black Stock Road, l’affluence marque un pic aux environs de 15 heures. Parmi les ménagères et les pères de famille, les jeunes clandestins y fourmillent. Les uns font une halte dans les échoppes après une journée de travail écourtée. D’autres, sans boulot, s’y rendent nonchalamment, les yeux gonflés par le sommeil. La rue regorge d’une quinzaine de commerces algériens, dont plusieurs magasins d’alimentation aux comptoirs achalandés. La viande hallal, les olives macérées, les dattes, le lait caillé, la galette, les légumes, les feuilles de brick, l’huile d’olive, l’harissa… tout est mis à la disposition des clients alléchés. Peu importe si l’huile vient du Maroc, le couscous de France, les dattes de Tunisie et le smen (beurre clarifié) du Pakistan ; à lui seul, Selecto a valeur d’emblème. “Une seule rasade me remet dans l’ambiance de Belcourt”, livre Kamel nostalgique. Le Ramadhan 2008 marque sa dixième année d’existence au Royaume-Uni, sans papiers. À ce jour, il n’a pas encore régularisé sa situation administrative. Dans la poche de sa veste est enfoui un faux passeport français. “Dieu merci, je n’ai jamais été arrêté”, assure-t-il. Cependant, son statut d’exilé le tenaille. “Rien n’a changé dans ma vie”, confesse Kamel qui, en même temps, a exclu toute idée de retourner au pays. Une perspective qui, à ses yeux, serait un aveu d’échec. Pendant le mois sacré, le sans-papiers écume les restaurants de Black Stock Road, les sens en alerte. Le parfum de la chorba le plonge dans une profonde mélancolie. “Ma mère me manque”, dit-il avec pudeur. Comme tous les soirs, il s’attablera à l’heure du f’tour, au Tassili, un fast-food tenu par un Algérien. À la place des pizzas et des hamburgers servis tout au long de l’année, des mets de circonstance sont proposés aux clients. D’autres restos du quartier aux enseignes tout aussi évocatrices, dont un syrien, ont adopté la même formule. Fermées durant la journée, les gargotes ouvrent leurs portes à l’approche de l’adhan. Des menus incluant dattes, chorba et salade sont proposés à 2,50 livres (l’équivalent de 4 euros). Les bourek, le plat de résistance et le dessert sont cédés à des prix plus onéreux. Sur les murs du restaurant syrien, un avis est affiché : “Les clients doivent payer la note à l’avance.” Après le f’tour, les gargotes se transforment en cafés. Des “mahchachate” sont improvisées dans de petits réduits où des jeunes s’entassent pour fumer une cigarette ou un joint. Le taxiphone est également pris d’assaut. “J’appelle régulièrement mes parents pour avoir des nouvelles”, apprend Rafik. La mine enjouée, il envisage son avenir avec un grand optimisme. “Je me sens libre ici. Je sais que tout ira bien pour moi”, martèle le garçon, convaincu. Il y a deux ans, il quittait l’Algérie à bord d’une barque, avec six autres compagnons de voyage. La chaloupe a été mise à l’eau sur une plage d’Aïn Témouchent. “Oued El Halouf”, croit se souvenir Rafik. Lui est d’Alger, d’Hussein Dey plus exactement. Chômeur endémique, il concevait le départ comme son unique salut. “J’ai choisi l’Angleterre car c’est un pays où les sans-papiers ne sont pas inquiétés. La police ferme les yeux, à condition de ne pas faire de grabuge”, fait remarquer le natif d’Hussein Dey. Or, les sans-papiers algériens n’ont pas très bonne réputation. Sans le sou et face à des horizons viciés, beaucoup tombent dans la délinquance. Les vols, les agressions et les trafics en tout genre ont conduit Scotland Yard à opérer une descente musclée (500 hommes avaient été mobilisés) à Black Stock Road en mars dernier. Depuis, les attroupements sont interdits sur les trottoirs. Pour éviter de faire l’objet d’une nouvelle rafle, les jeunes eux-mêmes se font plus discrets. “On ne sait jamais. Il faut être prudent”, préconise Abdelkader. Sans son accent annabi, le jeune homme passerait facilement pour un membre de la confrérie baba cool de Londres. Les cheveux longs et la chemise fleurie, il fait escale dans une pâtisserie de Finsbury Park pour s’approvisionner en qalb ellouz. La vitrine pavoisée exulte la tentation. Des piles de zlabia, des monticules de gâteaux aux amandes, des rangées de qtaef sont exposés. À l’intérieur du magasin, du pain aux formes et aux saveurs multiples est amoncelé sur une table. “Nous fabriquons tout nous-mêmes”, atteste un des vendeurs. En contrebas, surgit l’atelier de confection où s’anime une petite équipe d’ouvriers. Étant tous des sans-papiers, ils travaillent dur pour gagner leur croûte… une miche pour survivre et un verre de Hamoud pour noyer leur chagrin.

 

source : Liberté

 

source : http://algerie.actudz.com/article2634.html

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