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El Kala perd, les bitumiers gagnent


Invité salimdz

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Invité salimdz

Reportage

LES TRAVAUX DE L'AUTOROUTE EST-OUEST ONT REPRIS

El Kala perd, les bitumiers gagnent

 

El-Kala, jeudi 17 avril. Le ciel incertain, chargé de nuages délavés, ne semble pas menaçant pour le moment. D’ailleurs, il ne pleuvra pas de la journée. Par contre, de petites éclaircies, brèves et timides, permettent au soleil de se frayer un chemin dans ce ciel moutonneux. C’est alors que la forêt s’éclaire et que ses couleurs vivifiantes s’offrent à la vue dans un paysage rehaussé par les nombreux lacs qui jalonnent le parcours. Une halte. On viole l’intimité de la forêt. L’herbe folle court partout. Les oiseaux sont dans leur paradis. En se promenant dans ces bois sauvages, on comprend mieux l’importance accordée par les écologistes au parc national local, une réserve exceptionnelle de vie animale et végétale.

De notre envoyé spécial, Maâmar Farah

Les spécialistes vous diront que ce qui fait la valeur de ce territoire de près de 77 000 ha est la rencontre d’écosystèmes forestiers, lacustres, dunaires et marins uniques dans notre pays. Il s’agit d’un réservoir de vie et un poumon que l’on devrait protéger des agressions répétées qui peuvent lui porter un coup fatal. Sa portée est de dimension internationale puisqu’il contribue à l’équilibre écologique de la Méditerranée occidentale !

 

L’association a été «endormie» par M. Ghoul

Lorsque les militants écologistes locaux ont appris que l’autoroute Est- Ouest devait passer par ce parc, ils se mobilisèrent pour contrer le projet, pensant que le simple fait d’évoquer le respect de la loi allait faire reculer les bétonneurs ! Ils évoquèrent le statut du parc, un texte destiné à le protéger de toutes les convoitises et principalement de l’agression des engins et de la voracité du bitume. Le mouvement s’amplifia au niveau national et même international. La pénétration de cette autoroute dans un milieu protégé à haute valeur biologique et écologique était considérée comme un véritable crime contre la nature. Le ministère des Travaux publics, harcelé par les mouvements écologiques et la société civile d’une manière générale, allait adopter une tactique chère aux tenants de ce système qui, lorsqu’il ne maltraite pas l’homme, s’attaque à la nature ! Reculer pour mieux sauter : voilà un adage cher à nos dirigeants ! M. Amar Ghoul fera comprendra à ses interlocuteurs qu’il est possible de changer le tracé de l’autoroute. L’association locale planche sur trois croquis qui permettent d’éviter le parc avec une vision maghrébine puisqu’il est même prévu la jonction avec l’autoroute tunisienne qui doit arriver jusqu’à Ghardimaou, alors que le tracé officiel sort en pleine… nature du côté tunisien ! Ladite association va jusqu’à proposer un tracé souterrain au cas où le ministère maintient sa première proposition. Endormis, les membres de l’association pensent que la raison a prévalu et que le parc est sauvé. Mais le lancement des travaux vient les réveiller brutalement. Entre-temps, la mobilisation est retombée... Ils ont vraiment le moral à plat, comme nous avons pu le constater en discutant avec M. Rafik Baba Ahmed : «Nous avions compris que nos doléances étaient prises en considération. Mais voilà que la reprise des travaux nous dit que le danger persiste… On fait courir la rumeur selon laquelle nous serions contre l’autoroute. C’est faux ! Nous comprenons son utilité pour le désenclavement de certaines régions et son apport au développement socioéconomique. Mais concernant son passage ici, nous disons simplement qu’il faut respecter la loi. Si l’on se met à encourager les actions illégales pour la simple raison qu’il y a utilité économique, où irions-nous ?»

 

El-Kala, la ville sale : bienvenue en Algérie !

Mais au-delà du simple respect des dispositions contenues dans le décret présidentiel protégeant ces réserves naturelles, nous avons voulu savoir la portée des dégâts occasionnés au parc naturel d’El-Kala. M. Rafik Baba Ahmed nous répond qu’ils sont connus mais qu’il faut s’attendre à en découvrir d’autres au fur et à mesure de l’avancement des travaux et de la livraison du projet. Pour notre interlocuteur, le parc est un ensemble intégré, la première conséquence de sa traversée par l’autoroute est qu’il va perdre son intégrité puisqu’il sera divisé en deux. La faune, entre autres, sera la première à souffrir de cette division artificielle. C’est la première conséquence néfaste vue sous un angle d’ensemble. Il y a également l’arrivée massive d’engins qui vont dégager des gaz nocifs, il y a la déforestation et le décapage des nappes végétales nécessaires à l’assiette du projet. On ne connaît pas encore tous les méfaits de telles opérations. Il y a l’utilisation de produits chimiques à haute toxicité. Il y a le déplacement de terres, les agressions des dunes, les travaux de terrassement qui bousculent l’ordre naturel et brisent l’équilibre biologique et écologique. Enfin, lorsque cette autoroute sera livrée, il faut s’attendre à l'aggravation de la pollution et aux déprédations dues à la présence de l’homme. Il est certain que le nombre d’incendies augmentera et que la forêt locale en sera la première victime. D’ailleurs, pour vérifier le bien-fondé de cette dernière réflexion, il suffit d’emprunter la route aéroport Rabah Bitat-El Kala, passant par Echhat et Berrihane, pour s’en rendre compte. Cet axe, qui a été réalisé dans les années 1980 contre l’avis des écologistes, a permis certes de gagner du temps pour joindre la frontière tunisienne, mais en pénétrant dans le périmètre du parc, il a mis en danger les éléments naturels. D’immenses superficies boisées ont été décimées par les flammes, de belles forêts qui auraient été préservées si la route était restée à l’état de piste. Un autre projet, rejeté par l’association locale, a été réalisé malgré tout. Il s’agit de la route goudronnée reliant El Kala et la vieille Calle. En quittant cette ville côtière qui fut jadis rayonnante, nous avons l’impression d’avoir visité une cité vivant hors du temps et de l’espace. Je ne crois pas qu’il existe de ville plus sale et plus délabrée dans notre pays où, pourtant, les agglomérations délaissées sont légion. Il n’est pas possible que la belle ville d’antan en soit arrivée à ressembler à ça, ce quelque chose d’innommable fait de détritus jetés partout, de sable envahissant les rues, de poussière et de sachets en plastique occupant tout l’espace, de murs tombant en ruines, d’architecture douteuse, de maisons grises en éternelle finition et, surtout, de regards hagards plantés dans des visages défaits et livides. C’est une très belle image pour celui qui vient pour la première fois dans notre pays et qui, arrivant de Tabarka la superbe, tombe sur une Algérie en faillite, à l’image de cette El-Kala méconnaissable. Et demain, l’autoroute fera le reste…

 

source : http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2008/04/19/article.php?sid=67134&cid=2

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