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Converti à Guantanamo


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Il n'y a pas de règles pour une rencontre avec Dieu. La foi, le soldat Terry Holdbrooks l'a trouvée à Guantanamo. L'événement qui a changé sa vie a eu lieu une nuit d'hiver, devant la cellule du prisonnier numéro 590. "Il était 0 h 49 lorsque j'ai dit la chahada (profession de foi), j'ai regardé ma montre, se souvient-il. Par contre je n'ai pas fait attention à la date exacte, c'était en décembre 2003." Cette nuit-là, après une énième discussion sur la religion islamique avec Ahmed Rashidi, un prisonnier marocain, Terry Holdbrooks a prononcé les mots : "Il n'y a de dieu que Dieu et Mahomet est son prophète."

 

Depuis que le 11-Septembre a plongé l'Amérique dans la guerre contre les djihadistes, il est le premier soldat à avoir été converti à l'islam par les prisonniers qu'il avait pour mission de garder. Les détenus de Guantanamo qui ont assisté à cette étonnante conversion à l'islam ont baptisé leur nouvel ami "Mustafa". Lui y a ajouté "Abdullah". Terry "TJ" Holdbrooks, de Phoenix, Arizona, soldat des Etats-Unis, est devenu "Mustafa Abdullah".

Envoyé avec la 463e compagnie de police militaire à Guantanamo en juin 2003, Holdbrooks y est allé avec "l'esprit ouvert", "excité par une nouvelle aventure". Avant de connaître son affectation, il n'avait jamais entendu parler de la prison. A son arrivée, c'est le choc. L'environnement d'abord, "un endroit épouvantable, une terre pour les cactus et les iguanes". Puis le camp, "une prison dans laquelle l'Amérique engloutit tellement d'argent que je me suis demandé : ces gens sont-ils si dangereux que ça ?"

Cette question, cette suspicion, ne surgissent pas de nulle part. Terry Holdbrooks, bien que "très patriote", a toujours eu ancrée en lui une conviction contestataire. Méfiant envers le gouvernement fédéral, il a grandi à Phoenix, au coeur du désert de Sonora, entre alcool et heavy metal, en rupture avec "cette Amérique chrétienne où les seuls repères sont la Budweiser et la musique country, et où il est admis de brûler des Noirs". Le 11 septembre 2001, il a quitté ses amis rivés à leur téléviseur pour aller "jouer au billard et mettre quelques pièces dans un juke-box".

Devenu garde à Guantanamo, le soldat Holdbrooks devient sensible aux idées de certains prisonniers. Non pas les djihadistes les plus radicaux, comme Khaled Cheikh Mohammed et les organisateurs du 11-Septembre, auxquels il n'a pas accès, mais des musulmans qui prétendent défendre un islam tolérant, trahi selon eux par Al-Qaida. Des détenus qui se disent innocents des crimes dont on les accuse.

Terry Holdbrooks se lie avec le détenu 590, Ahmed Rashidi. Marocain, chef cuisinier dans deux restaurants londoniens, Rashidi a toujours affirmé s'être rendu au Pakistan afin de lever des fonds pour que son fils puisse être opéré du coeur, et non pas pour suivre un entraînement avec Al-Qaida. Il dit avoir entendu ses geôliers pakistanais négocier avec des agents américains le montant de la récompense qu'ils recevraient pour le livrer. Holdbrooks parle aussi avec le détenu 239, Shaker Amer, avec Ruhel Ahmed, l'Anglo-Pakistanais des "Trois de Tipton", avec Omar Khadr, l'adolescent canadien.

Holdbrooks tisse des liens forts avec eux. Pour accomplir sa tâche de garde, il apprend des rudiments d'arabe. Il passe des nuits entières devant les grilles de leurs cellules à les écouter parler de l'histoire du Moyen-Orient, de l'Afghanistan, de la Palestine, de l'islam. "Nous avons développé un respect mutuel, dit-il, et le sentiment que nous étions condamnés à vivre ensemble là-bas." Le jeune homme se gratte le crâne et sourit. "Avais-je le choix ? Vous connaissez le niveau intellectuel dans l'armée américaine ?, fait-il mine d'interroger. Les seules activités des gardes de Guantanamo, la nuit, ce sont les films porno et le ping-pong. Impossible d'avoir une conversation intéressante. Avec les détenus, du moins ceux qui parlaient anglais, c'était différent."

Au fil des mois, deux convictions s'affirment : le gouvernement des Etats-Unis manipule la planète, et ces prisonniers-là sont innocents. Et Terry Holdbrooks, le non-croyant, a une révélation : l'islam. "J'ai vu ces gens, vivant dans les pires conditions dans le pire endroit du monde, continuer à avoir la foi, à espérer en l'avenir." Il est séduit. "Je ne croyais pas en Dieu avant Guantanamo, ou alors en un dieu sadique qui nous forçait à vivre dans ce monde corrompu. Avec l'islam, j'ai trouvé la foi. C'est une religion pure. Je suis dorénavant un serviteur de Dieu. L'islam est parfait."

La conversion n'est presque qu'une formalité. "Je savais que j'allais y venir, mais je ne savais pas que ce serait cette nuit-là, raconte Holdbrooks. Avec 590, nous avons longuement parlé. Il était très chaleureux. Au milieu de la nuit, je lui ai demandé de m'écrire sur un papier la chahada, en anglais et en arabe phonétique." Le soldat devient musulman. Le lendemain, il se lève à 5 heures pour prier, en cachette.

Les premiers mois, Holdbrooks tente de respecter les piliers de sa religion. Ce n'est pas simple. Impossible de prier lorsqu'il est en service. Deux soldats qui partagent sa chambrée sont dans la confidence, et n'y voient aucun problème. Mais d'autres, même dans l'ignorance de sa conversion, s'inquiètent du fait qu'il soit amical avec les détenus, qu'il apprenne l'arabe. Une nuit, son chef et quelques hommes le traînent dehors et le malmènent, l'accusant d'être "un terroriste", de "trahir les Etats-Unis". L'armée envoie Holdbrooks à Fort Leonard Wood, dans le Missouri, puis le renvoie sans explication à la vie civile, deux ans avant la fin de son contrat.

Le plus étonnant, c'est que Terry Holdbrooks a rencontré Dieu deux fois. Car, de retour à Phoenix, il renoue avec sa vie d'adolescent : le désoeuvrement, les bars, l'alcool et la drogue, toujours plus de drogue. "Je suis redevenu alcoolique et j'ai plongé la tête dans la coke", raconte-t-il. Il divorce d'une femme épousée lorsqu'il s'est engagé dans l'armée. Un soir, défoncé, il a un accident et s'ouvre le crâne. Il échoue à l'hôpital. Pour le gamin paumé de Phoenix qui avait espéré trouver dans la vie militaire une carrière et une rédemption, la chute est vertigineuse. Durant quatre ans, la dérive s'accentue.

 

 

Rémy Ourdan

 

 

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