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Témoignages de harraga algériens : rencontres dans l’enclave espagnole de Melilla


sparrow210

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-Billel. 25 ans, originaire du quartier«les allemands» de Annaba

«J’étais parmi un groupe de 25 harraga qui a pu atteindre l’île de la Sardaigne en 2010. Nous avons été interceptés et arrêtés par les garde-côtes sardes. J’ai été placé au centre de rétention de Cagliari où j’ai passé un mois avant d’être transféré vers le centre de Gorizia, aux frontières italo-slovènes. J’y ai passé un mois avant mon transfert vers Rome d’où j’ai été rapatrié en Algérie à bord d’un vol Rome-Alger. Je suis rentré à Annaba et j’y suis resté près de deux ans avant de plier bagage et repartir. Cette fois, la destination était la ville marocaine de Tanger. Mon séjour a duré près d’un mois, le temps de préparer le nouveau voyage. Le trajet Alger-Bni Ansar m’a coûté au total environ 120 000 DA. C’est un contact algérois qui a tout arrangé. Voilà un mois et demi que je suis arrivé à Melilla que j’ai pu atteindre à la nage. De Bni Ansar au port de Melilla à la nage.»

-Anis. 23 ans, issu de la cité Plaine Ouest de Annaba

«C’est lors d’une rencontre avec un passeur de Sidi Salem, l’été passé, que l’idée du départ vers l’Espagne avait commencé à germer dans ma tête. Mes cinq tentatives d’atteindre la Sardaigne ont toutes échoué. Au total, cinq expulsions d’Italie après avoir déboursé 65 000 DA à chaque tentative, somme que je réunissais grâce à de petits métiers, métiers de la rue (vente de cigarettes, de psychotropes, corail, vols à la tire…) Cela fait un mois et demi que j’ai débarqué à Melilla, à la nage de Bni Ansar au port. Aujourd’hui, je vis et dors à la belle étoile. A cause d’une dispute violente avec un migrant malien, j’ai été viré du CETI (centre de séjour temporaire pour étrangers). Mon message : « Gouli l’Bo^^^^^ika, rana rayhin jayin manach habcine (dites à Bo^^^^^ika, on part et on revient, et on continuera de le faire.»

-Ali Lahcene ,19 ans, originaire de Barigou (Mascara)

«Pour arriver à Melilla, j’ai dû payer 90 000 DA. Je suis issu d’une famille très pauvre. Je suis là depuis deux mois et demi pour aider ma famille et j’y resterai le temps qu’il faudra. Comme vous le voyez, je vis sous ce tunnel. Je dors entouré d’eaux usées, tel un rat d’égout. Je me suis inscrit au commissariat de police pour une hypothétique place au CETI. L’accès à ce centre m’est toujours refusé par les responsables, pour manque de place, me disent-ils. Après un long périple, Barigou-Oran-Maghnia-Essaïdia (Maroc)-Oujda-Berkane-Nador. Mon périple a pris fin à la nage de Bni Ansar au port de Melilla. Je ne trouve pas où dormir ni les moyens pour manger à ma faim.»

-Sara, 24 ans, originaire de Mostaganem

Je suis arrivée à Melilla le 10 mai 2012, grâce à un intermédiaire travaillant pour le compte du chef d'un réseau de passeurs basé à Maghnia et que j’ai rencontré dans un cabaret où je travaillais comme chanteuse de raï. L’affaire a été conclue lors d’une soirée bien arrosée. La formule tout compris (faux passeport marocain, moyens de transport des deux côtés de la frontière algéro-marocaine) m’est revenu à 1200 euros, l’intermédiaire a exigé d’être payé en euros pour qu’il puisse procéder à la Hewala (transfert de la somme sur le compte du chef basé à Alger). Je regrette amèrement d’être venue ici, on m’a promis monts et merveilles, des possibilités d’atteindre la péninsule en l’espace d’une semaine après mon arrivée. Finalement, je me suis retrouvée dans un vulgaire centre sans ressources et sans la moindre possibilité de quitter Melilla ni de retourner chez moi. L’intermédiaire m’a mise en garde, je risque d’être liquidée physiquement par les trafiquants marocains vu que je n’ai pas pu restituer le passeport marocain à la frontière comme convenu. Je suis dans un terrible engrenage duquel je suis incapable de me défaire.»

-Tayeb Berkhach, 34 ans, originaire du Golf (Alger)

«J’ai débarqué à Melilla avec ma famille : mon épouse et mes quatre enfants, le 12 mars 2012 avec des faux passeports marocains. Mes jumeaux Adam et Roufaïda inscrits sur mon passeport, Nouh Et Douaa sur celui de ma femme Kheïra. Le transport Alger-Maghnia-Oujda-Nador et les deux passeports m’ont coûté au total 2000 euros. Mon contact est une quinquagénaire de Kouba (Alger) qui m’a assuré le voyage vers Maghnia où m’attendait un certain Lahbib. C’est lui qui m’a remis les deux passeports — de vrais passeports marocains mais retouchés par la substitution de photos — avant de nous conduire à bord d’une Peugeot 504 à la frontière (Ferkhana). Le terrain était visiblement bien préparé, le contrôle ayant été d’une rapidité inouïe. Tel que convenu, une fois la frontière franchie, les deux passeports ont été restitués à El Hadj Mohamed. Il semblait être bien connu des autorités marocaines. Ses papiers marocains et algériens lui permettent de vivre entre les deux pays.»

-Abdelkader Benyoussef, 32 ans, originaire du quartier huppé dE Hydra (Alger)

«Moi, mon histoire est toute autre. Ingénieur mécanicien, j’ai fait études supérieures à Londres. Si je suis à Melilla, ce n’est pas pour fuir le chômage ou la misère ou parce que tenté par le rêve européen. J’ai été expulsé d’Espagne pour des démêlés avec la justice, un accident de la route en est la cause. La législation cadrant la migration en Espagne — les dispositions de l’accord de réadmission conclu entre Alger et Madrid, les amendements apportés, le plan de citoyenneté et d’immigration 2009-2012 — je la connais très bien. Par contre, ce que je cherche à dénoncer, ce sont les pratiques criminelles de groupes organisés composés de Marocains et d’Algériens. Beaucoup de harraga algériens issus de l’Ouest ont été victimes de ce réseau qui active au vieux quartier San Fransisco de Bilbao, au nord de l’Espagne. Profitant de leur crédulité et vulnérabilité, ils font croire à ces jeunes qu’ils peuvent intervenir en leur faveur pour ne pas être expulsés, de par les liens solides qu’ils prétendent entretenir avec de hauts responsables du consulat algérien à Alicante.

Car c’est à ces derniers que les autorités espagnoles font appel pour la procédure d’identification préalable aux expulsions qui se font sous contrôle judiciaire. Pour pouvoir être déclaré inconnu par les services consulaires et disposer ainsi de la «l iberta», ce précieux document à même de leur ouvrir la porte à la péninsule et tout l’espace Schengen, il suffit de graisser la patte, 1500 euros par personne. Une somme qui doit être versée à des intermédiaires pour le compte des responsables consulaires dans un délai de 40 jours, durée d’internement du harraga dans le centre où il est transféré en attendant son expulsion. L’affaire se traite par téléphone portable. Le harraga doit préparer la somme quelques jours avant son transfert pour la confier par la suite à un proche ou une connaissance sûre auprès duquel l’intermédiaire pourrait la récupérer dans un café connu au quartier de San Francisco. Une fois l’argent dans la poche, cet intermédiaire disparaît dans la nature et le harraga… expulsé.»

 

-Boualem Benaouda, la trentaine originaire de Mostaganem

«Je vais être bref : je suis un ancien militaire. Je vis avec ma femme et mes deux enfants au centre de séjour temporaire pour étrangers (CETI) de Melilla depuis presque deux ans. Le transport et les faux passeports me sont revenus à 250 000 DA. Mon message : dites à Bo^^^^^ika que c’est à cause de lui et de l’injustice que nous sommes là. Malgré nos conditions de vie terribles ici, on ne retournera plus dans sa monarchie (el Djou3 wela Roudjou3 (la faim mais jamais le retour). Il sait très bien qu’il existe des réseaux mafieux qui tirent profit de notre misère mais il ne fait rien pour y mettre un terme et nous offrir les moyens de vivre dans la dignité.»

 

 

SOURCE : El Watan

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