Hocine Malti est connu pour ne pas macher ses mots. Spécialiste des questions pétrolières, il est l’auteur de Histoire secrète du pétrole algérien. Dans l’entretien qu’il nous a accordés, il revient sur des questions délicates, comme la loi sur les hydrocarbures, l’exploitation des gaz de schiste, le statut actuel de Sonatrach…
Le Soir d’Algérie : L’Algérie s’apprête à réviser sa loi sur les hydrocarbures. Très peu d’informations ont filtré sur la teneur des amendements envisagés. Vous êtes un connaisseur du domaine pétrolier, peut-être pourriez-vous nous apporter un éclairage ?
Hocine Malti : Effectivement, le ministre de l’Energie, Youcef Yousfi, a fait une déclaration récemment dans laquelle il a parlé de cette nouvelle loi sur les hydrocarbures qui vient d’être approuvée en Conseil des ministres. Il faut dire que cela fait maintenant deux ans depuis qu’il a été nommé ministre, qu’il parle de cette loi, mais nous n’en connaissons que ce qu’il a énoncé dans ces déclarations. Le texte même de la loi n’a pas encore été rendu public. Il est donc difficile d’en parler ; néanmoins, je peux vous dire ce que, personnellement, j’ai retenu de ces déclarations. M. Yousfi a mentionné trois points essentiels : des généralités sur cette nouvelle loi, les questions de taxation et de politique fiscale. Enfin, il a parlé du développement de l’industrie pétrolière de manière générale. En ce qui concerne les généralités, il y a deux choses qui retiennent mon attention et qui me font même peur. D’abord, il faut relever qu’à travers cette loi, ce qui est recherché, c’est d’établir une politique de rentrées fiscales qui correspondraient aux besoins de financement de l’économie nationale, a-t-il dit. Or, l’Algérie dispose aujourd’hui d’un excédent financier de l’ordre de 190 milliards de dollars, qui sont placés en bons du trésor américain. Continuer à produire uniquement pour stocker de l’argent me paraît inutile. Il faudrait soit utiliser ces énormes sommes d’argent pour le développement du pays, soit garder cet excédent pétrolier dans le sous-sol. D’autant plus que la seconde chose que le ministre a avancée est qu’il se peut qu’à l’avenir l’Algérie demande aux compagnies étrangères de payer en nature la redevance, c’est-à-dire une partie de l’impôt. Ce qui voudrait dire que l’Algérie aurait des besoins en pétrole. Et cela fait peur, car cela signifie qu’il se passe quelque chose qu’on nous cache. Si l’Algérie est en situation de besoin en matière de pétrole, cela signifierait des choses graves pour le pays. Concernant la politique fiscale, il semble qu’il est envisagé que la taxe sur les revenus pétroliers (c’est l’impôt sur les bénéfices) dépendra du taux de rentabilité annoncé par les compagnies, qu’elle variera selon les zones d’intervention et qu’elle ne sera valable que pour les nouveaux arrivants. Ce qui signifie que tous ceux qui sont déjà là, et sur lesquels l’Etat algérien pourrait éventuellement ponctionner, puisque eux gagnent déjà de l’argent, ne sont pas concernés. Les nouveaux arrivants, eux, doivent se lancer dans l’exploration, la production n’est envisageable que dans quelques années et c’est seulement ce jour-là que l’Etat pourra percevoir des impôts. De plus, cette taxe est dépendante du taux de rentabilité de la société, ce qui dessaisit l’Etat de la détermination de l’assiette de calcul de cet impôt, puisque ce n’est pas l’Etat qui détermine le taux de rentabilité de la société, c’est elle qui le détermine en fonction de ses dépenses, de ses investissements et de ses bénéfices. L’Etat sera soumis à la bonne volonté de la compagnie : soit il acceptera le taux de rentabilité qu’elle annoncera, soit il le négociera avec elle, à moins qu’il ne l’ait déjà négocié. Dans tous les cas de figure, cette dernière décide, d’une certaine manière, de l’impôt qu’elle va payer. Ce qui est absolument inédit. La seconde taxe concerne les superprofits, la taxe sur les profits exceptionnels, le ministre dit qu’elle va varier entre 30 et 80% ; elle dépendra aussi du taux de rentabilité annoncé par la société et concernera les sociétés dont les contrats ont été conclus dans le cadre de la loi de 1986. Les sociétés qui entrent dans cette catégorie agissent dans le cadre du système dit de partage de production dont l’une des caractéristiques est que le taux de rentabilité de la société est déterminé par avance, au moment de la passation du contrat. Que signifie la modification envisagée ? Comment sera-t-elle appliquée ? Y aura-t-il définition de paliers pour son application ? Qu’est-il advenu du prix-plancher de 30 $ le baril contenu dans la version précédente de cette loi, à partir duquel cette taxe devait être appliquée ? Tout cela nous ne le savons pas. Il serait bon que l’on nous dise ce qui envisagé.
Entretien complet :
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